Charlotte GOULET
Réhabilitation de l’ancien parc d’Artillerie de Saint Denis à la Réunion : Drain citoyen et populaire pour la requalification de son littoral et de son quartier
A l’heure où les ressources mondiales s’amenuisent et où l’impact du transport sur le dérèglement global est considérable, il est temps d’abandonner l’ultra technologique - permis par la mondialisation - pour se concentrer sur le bas-technologique - celui qui fait appel aux moyens humains et matériels locaux et aux savoir faires qui les relient.
Ce défi du retour à la frugalité n’en est pas moins complexe. Appliqué à l’urbanisme, il pose une question presque contradictoire :
Comment fabriquer la ville, complexe et massive, avec ce défi de frugalité, simple et fin ?
Ce projet souhaite proposer une alternative (au projet Nouvelle Entrée Ouest : une digue dans la mer, faisant gagner 14ha de terre sur la mer pour enterrer la route nationale posant problème) douce et conviviale pour la régénération d’une pièce urbaine complexe : Le Barachois, cap Nord de Saint Denis, le chef lieu de la Réunion.
Il intègre les notions de résilience, de temporalité et de réversibilité en proposant de retourner la démarche du projet NEO. Ne pas traiter l’ensemble du Barachois comme un unique élément homogène en le requalifiant comme un bloc, mais plutôt de le voir comme une succession de séquences. Chaque séquence a sa coloration et son entité d’activation. Ces entités sont d’une échelle plus petite, architecturale, à l’échelle de l’individu ou de la communauté. On part du petit, pour infuser le grand ? La requalification d’un point d’activation permet d’engager la requalification de ses abords. De proche en proche, le quartier est renouvelé.
Le projet traite de la requalification du Parc d’Artillerie en le plaçant comme focale citoyenne et populaire d’une première séquence de requalification du Barachois.
Ainsi, dans une première phase, celle du militantisme et de l’informel, l’Artillerie accueille une maison du projet, des ateliers d’auto-construction et une recyclerie. Ensemble, ces programme participent au réinvestissement progressif des vides urbains alentours : Un théâtre informel prend place rue Juliette Dodu, on cultive des plants endémiques rue de l’Amiral ou un café éphémère prend place au cœur de l’Artillerie, il permet de financer une partie des ateliers participatifs organisés.
Lors d’une phase postérieure, certaines installations éphémères ont pris du corps et persistent, elles sont l’informel rémanent autour duquel se projettent les autres réaménagements, plus formels, du quartier.
Un centre de formation au bâti tropical prend place dans le bâtiment principal de l’Artillerie. Il est démonstrateur des techniques du bâti tropical avec la mise en place d’un système de ventilation naturelle ou l’emploi de fibres tressées, pierre massive, bois et de matériaux de réemploi. En effet, le phasage du projet permet d’intégrer une démarche de réemploi des nombreux aménagements intérieurs présents dans le bâtiment actuel pour les besoins de la DEAL (structures métalliques légères, planchers, cloisons bois menuisées, portes, escaliers, faux plafonds, gaines de ventilation etc). Un diagnostic réemploi permet de réinjecter les matériaux déconstruits et réemployables dans le projet : soit directement sans transformation de leur fonction (comme c’est le cas pour de nombreux escaliers et planchers), soit dans un nouvel état (ainsi, les panneaux acoustiques de l’amphithéâtre sont réalisés avec une épaisseur de dalle de faux plafond en laine minérale et une épaisseur de cloison menuisée en bois, perforée).
Le parc d’Artillerie retrouve une dignité dans ses proportions intérieures et son aménagement. L’implication de la population dans les différents points forts de la métamorphose du lieu, permet de forger une nouvelle attache au lieu, de fabriquer une nouvelle mémoire. Une de plus, et pas la dernière pour ce complexe. Le projet intègre les notions de réversibilité grâce à la simplicité des circulations par les coursives remise en œuvre et les noyaux techniques verticaux compacts. Ces notions de réversibilité permettront aux bâtiments de s’offrir un nouvel avenir, au gré des besoins. En attendant cette nouvelle page, l’Artillerie veille sur la côte et espère ne jamais la voir s’éloigner pour une route.
Finalement, les réhabilitation du Parc d’Artillerie prend part à une dynamique lente, contextualisée et itérative de régénération d’une pièce urbaine complexe. Partant du bricolage informel pour participer au dessin d’une cohérence globale.