Clara Wolf
Flaktürme. Reconversion de deux tours de lutte antiaérienne à Vienne
Pendant la seconde guerre mondiale, des tours de Flak ont été érigées dans les principales villes du IIIème Reich – Berlin, Hambourg et Vienne - afin de les protéger des bombardements. Esquissées par Hitler lui-même et dessinées par l’architecte Tamms, ces imposantes tours en béton armé abritaient à la fois un très grand nombre de civils et le matériel militaire nécessaire pour tenter d’abattre les avions des Alliés. Ces bâtiments ont participé à la propagande nazie en devenant des marqueurs psychologiques de l’omniprésence de la guerre, de la destruction et de la mort. Aujourd’hui, leurs fonctions initiales sont obsolètes. Quasiment impossibles à détruire, les édifices sont souvent abandonnés et marquent le paysage urbain comme des cicatrices du passé.
C’est à deux pas du centre-ville de Vienne en Autriche, dans l’Arenbergpark, un petit parc familial du 3ème arrondissement, que deux tours de Flak se dressent dans leur état d’origine. Inutilisées, elles ne semblent même plus exister aux yeux des habitants. Pourtant au vu de leurs caractéristiques hors du commun, les ignorer ne suffit pas à les rayer du paysage. Gigantesques, opaques, monumentales et sombres, elles se démarquent du contexte classique et homogène de Vienne. Les activités familiales qui se déroulent dans le parc mettent les bâtiments à l’arrière-plan, traduisant l’envie des habitants d’oublier cette partie traumatisante de l’histoire. Pourtant, le temps a passé, les générations ont défilé, les plaies se sont pansées et le patrimoine militaire a été peu à peu réinvesti et reconverti. Mais qu’en est-il de ces colosses de béton ? Comment peut-on se réapproprier de tels objets ?
Comment mettre en lumière des édifices obscurs construits sous le IIIème Reich ?
Ouverture.
L’Autriche a été profondément marquée par son Annexion au IIIème Reich en 1938 et la vision quotidienne de ces lieux clos et hantés par leur histoire peut encore créer des sentiments négatifs auprès des passants. Ouvrir ces bâtiments au public tout en les intégrant pleinement dans l’aménagement du parc serait le premier pas d’une démarche résiliente vis-à-vis de l’histoire du pays.
Reconversion.
Le changement d’usage des Flaktürme permettrait d’amorcer une évolution de leur perception. Leur donner du sens justifierait d’en finir avec leur statut austère. Les deux tours offrent la possibilité de créer des lieux uniques en adéquation avec leurs caractéristiques intrinsèques. Les Flaktürme sont à la fois des lieux qui coupent entièrement les visiteurs du bruit et de la lumière venant de l’extérieur, mais également des espaces qui ont la capacité d’accueillir et de rassembler des milliers de personnes. Ces deux perceptions seront mises en exergue afin de créer deux univers distincts. L’art et la culture ainsi que la détente et le bien-être feront – ensemble - un véritable pied de nez au nazisme qui a tenté de convertir l’Europe à la haine, à la violence et à la peur permanente.
Parcours.
La tour d’attaque, la plus grande des deux, s’ouvrira très largement au public. Émulant de créativité et de partage, elle présentera une offre culturelle variée, permettant à tout un chacun d’y trouver son compte. Expositions et conservation d’art, laboratoire créatif et salle de concert feront à nouveau vivre l’intérieur de ce bunker au fil d’un parcours. La tour de commandement, la plus petite, offrira un lieu de détente et d’introspection surprenant avec la création de bains.
Obscurité.
Sombres, de l’extérieur comme de l’intérieur, les bunkers sont de véritables boites noires. L’apport ponctuel de lumière naturelle ou artificielle permettra de mettre en valeur les différents espaces. La lumière permettrait finalement d’apprendre à apprécier l’obscurité.