Léa HERRMANN
Centre d’apprentissage communautaire à Kampala : entre école primaire et sensibilisation à l’architecture en terre crue
« La ville prend place dans un paysage rythmé par des collines et des vallées humides, où la terre rouge et la végétation luxuriante contrastent avec les artères bétonnées du centre. Où le fourmillement des boda-bodas qui tentent de se frayer un chemin s’oppose au calme du sommet des collines offrant une vue paisible sur le lac. Où les étals de marché du centre-ville bondé se vident et se remplissent au rythme des pluies tropicales qui arrivent sans prévenir. »
Souvenir de voyage, août 2019
Kampala est la capitale de l’Ouganda, pays d’Afrique de l’Est et ancien protectorat britannique situé au bord du lac Victoria. Si près de 80% de la population ougandaise vit aujourd’hui en zone rurale, Kampala n’en demeure pas moins une métropole en pleine expansion qui pourrait accueillir 10 millions d’habitants en 2040.
Formée à l’arrivée des colons, Kampala a vu son développement freiné après l’indépendance mais a finalement explosé à partir des années 90 pour devenir la métropole qu’elle est aujourd’hui avec ses 1,7 millions d’habitants. La croissance rapide n’a pas été sans conséquences et de nombreux quartiers informels sont apparus en bas des collines en empiétant sur les Wetlands, zones végétalisées qui jouent un rôle essentiel dans l’absorption des eaux pluviales. Ces quartiers installés sur des zones fragiles présentent aujourd’hui des infrastructures non adaptées et de nombreux problèmes sociaux, environnementaux et sanitaires.
L’expansion urbaine s’accompagne également d’une pression accrue sur le système éducatif importé par la colonisation : la demande ne cesse de croître et l’école primaire publique peine à y répondre. On observe d’autre part que l’éducation traditionnelle, basée sur l’apprentissage oral et communautaire, s’efface peu à peu au profit de l’éducation moderne calquée sur le système anglais. Les deux pourraient pourtant se compléter, mais les moyens mis à disposition ne le permettent pas.
Dans ce contexte, l’ambition du projet est double et vise à replacer l’éducation au cœur de la vie communautaire tout en servant d’amorce à une amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles.
Il prend place dans le quartier de Lusaze situé sur un ancien Wetland et s’organise autour d’un programme d’école primaire associé à des espaces communautaires : ateliers, bibliothèque, infirmerie, préau. La parcelle de 1,35 ha est aujourd’hui privée et laissée à l’abandon. Elle se situe à flanc de colline à l’entrée du quartier qu’elle surplombe et constitue une véritable respiration au cœur du tissu dense.
La question de la gestion des ressources est centrale et il s’agit de construire un centre d’apprentissage autour de la revalorisation des pratiques constructives locales grâce à une réactivation des savoir-faire vernaculaires d’architecture en terre crue. Cette redécouverte du matériau tend à la fois à démontrer la faisabilité technique et économique du circuit court ainsi que la très grande qualité d’usage et de confort que procure le matériau. La terre devient le socle du projet et permet de faire le lien entre le paysage et le bâti. En reprenant les codes de l’architecture et de l’espace public de Kampala, il s’agit de créer un lieu qui s’intègre dans le tissu urbain existant et qui favorise l’interaction entre les enfants et les habitants du quartier et entre le formel et l’informel.
[ avec l’aide précieuse d’Adèle Briole, Lucie Galand, Joshua Razanapiringa, Célestine Richard, Aurélia Ngongang et Louis Veques ]