Mark Gondoin
Une nouvelle identité pour la justice à Chartres
La réforme de l’organisation de la justice prévoit, depuis le 1er janvier 2020, de fusionner tous les tribunaux d’instance et de grande instance de France, afin de simplifier les démarches administratives et de donner une porte d’accès unique à la justice. À Chartres, le palais de justice existant nécessite un projet d’extension et de rénovation pour accueillir le nouveau programme judiciaire. L’occasion se présente pour réinterroger l’architecture judiciaire, et son rapport au citoyen et à son territoire.
Selon moi, la justice est très opaque malgré la volonté d’être transparente. L’architecture des tribunaux se présente souvent comme imposante, voire punitive, ce qui a pour conséquence d’instaurer une relation de distance avec le citoyen. L’enjeu premier de mon projet est de proposer une nouvelle image de la justice, plus lisible et pédagogique, au service du citoyen.
Le palais de justice existant de Chartres se situe sur le plateau du secteur sauvegardé de la ville. Il est situé dans un quartier enclavé par les anciens remparts de la ville, et peu parcouru, pourtant à 200m de la cathédrale. Il existe donc un enjeu urbain de reconnexion du site à la ville haute et à la ville basse. Sur la parcelle adjacente se situe l’ancienne maison d’arrêt, désaffectée depuis 2014, disponible pour y aménager une partie de l’extension du tribunal. Le site possède un patrimoine riche, dont notamment un ancien cloître et une chapelle Carmélite, depuis réinvestis pour les besoins de la prison et du tribunal. Les extensions successives des bâtiments ont fini par générer un assemblage compliqué des différents volumes, avec beaucoup d’espaces résiduels non qualifiés. Un imposant mur d’enceinte ceinture la maison d’arrêt. Il confisque une partie de ce patrimoine à l’espace public, et participe à enclaver encore davantage le site. Au nord-ouest, entre le site et les remparts surplombant la ville basse, le terrain est entièrement occupé par le couvent des Soeurs Saint-Paul de Chartres, bloquant l’accès au paysage. Nous avons donc à faire à un site fragmenté, contraint, auquel il me semble essentiel de redonner une cohérence globale à l’échelle de la ville.
Mon intervention s’effectue selon deux axes. D’une part, la mise en place, en tandem, des locaux du tribunal judiciaire, avec des circulations rationalisées et plus lisibles, et d’un nouveau programme, un centre d’interprétation de la justice, contenant des locaux à destination du public (musée de la justice, salle de conférence, centre de documentation) dédié à la compréhension des institutions judiciaires. D’autre part, à la reconnexion du site à son contexte. Je prévois une extension venant relier la chapelle à la maison d’arrêt selon un axe nord-sud. Elle permet de relier les espaces publics du tribunal et du centre d’interprétation, et d’articuler la circulation grâce à une généreuse salle des pas perdus. Cette dernière permet le contact direct entre le public et les programmes judiciaires, afin de faciliter l’accès à une justice plus pédagogique. La sécurisation se décline selon cet axe, avec les espaces les plus publics au nord, jusqu’au plus sécurisés au sud, afin de garantir le bon fonctionnement du tribunal. Selon l’axe est-ouest, c’est la reconnexion à la ville qui est en jeu. Une place publique à destination des habitants du quartier cadre sur l’entrée du tribunal. À travers la salle des pas perdus se démarque un deuxième accès à l’ouest, ouvrant le tribunal sur un parc rendu au public, sur le paysage, sur les anciens remparts et enfin sur la ville basse. De nouveaux cheminements piétons guident le visiteurs de la ville au paysage, à travers le tribunal, afin de faire de nouveau respirer le site, dans un contexte pacifié et rendu accessible.