Corentin Girard
Urbanité résilience suite à un passé industriel
Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, il est important de réfléchir dès aujourd’hui à comment vivre plus durablement demain. L’enjeu de mon projet de fin d’étude est de proposer un avenir plus résilient aux quartiers industriels en déclin, en expérimentant de nouvelles façons d’habiter et de travailler, plus attentive et respectueuse de l’environnement. La mixité programmatique, morphologique et sociale, convenablement conçue en adéquation avec les éléments naturels, semble être une solution pour favoriser le vivre ensemble, entre habitants, travailleurs et promeneurs.
De sa position privilégiée entre la Loire et le Rhône, l’ensemble de la métropole stéphanoise s’est développée grâce aux différentes industries installées le long de cours d’eau. Face à l’activité industrielle en déclin et à l’exode des habitants, le territoire nécessite une réflexion globale pour retrouver une dynamique économique fructueuse. Un changement de paradigme est donc primordial afin de réinvestir les friches et zones d’activités précaires en intégrant les usages de demain et la résilience au cœur des projets urbains et architecturaux. Il s’agira d’instaurer de nouvelles règles étant donné que le cadre actuel n’a plus d’avenir. L’écosystème stéphanois doit être rééquilibré. Pour cela, je propose un processus pour transformer le rapport à la nature pour ne plus subir ses aléas, mais au contraire tirer parti de ses atouts comme à la genèse de la ville afin de créer des espaces agréables, durables et appropriable par chacun.
De ce constat indéniable, mon projet vise à revaloriser le Furan et aménager ses berges afin de créer des zones d’expansion des crues pour tenter de s’en prémunir. Cependant, mon intervention ne se limite pas à une solution d’ingénierie hydraulique. Je saisis l’opportunité pour redonner de l’importance à la rivière et créer des espaces suscitant l’imaginaire autour de l’eau en l’intégrant comme élément de conception urbaine.
Mon projet urbain renoue le lien entre la ville et la nature. L’accès au Pilat est facilité et sa nature riche et généreuse pénètre en ville afin de favoriser la création d’aménités, l’apparition de nouveaux usages et l’amélioration du cadre de vie.
Afin d’améliorer le cadre de vie de la population, mon intervention régénère les espaces publics et les reconnecte. La connexion transversale, entre les résidences des coteaux et la vallée, est de nouveau possible, ainsi que la connexion longitudinale entre les différentes polarités. Pour cela, je propose l’aménagement d’espaces de rencontres agréables nécessaires pour réanimer la vie du quartier.
Par ailleurs, mon intervention permet d’intégrer les usages de demain en favorisant la mixité programmatique pour améliorer la cohabitation entre habitant et travailleurs. Des petits pôles d’activités sont mis en place pour assurer une proximité des espaces habités avec l’offre d’emploi, dans l’optique de retrouver une économie fructueuse. Il s’agit aussi de lier savoir-faire, besoin et usage pour développer un écosystème solidaire et de rapprocher producteurs et consommateurs pour retrouver une ville productive et productrice. Les circuits courts sont alors facilités et les flux d’approvisionnement polluants limités.
Malgré toutes ces problématiques et contraintes, ce site possède tout de même des points d’ancrage intéressants qui me permettent de structurer le projet. Je m’appuie notamment sur des bâtiments aux forts attraits patrimoniaux, des axes de circulation majeurs et des éléments paysagers remarquables. Il ne s’agit pas de faire table rase pour réenchanter ce territoire, mais plutôt de m’appuyer sur un contexte existant et pertinent. Mon intervention exploite ce passé industriel et les ressources naturelles présente, afin de reconnecter l’Homme à la nature et les hommes entre eux.
Venez maintenant avec moi à l’intérieur du quartier pour découvrir comment nous pourrions vivre demain la ville solidaire et productive.
Une percée paysagère, faisant office de poumon récréatif pour la population, a remplacé l’entreprise STEM au nord du site. Autrefois enclavé, cet espace permet maintenant l’accès direct au Furan depuis l’avenue de Rochetaillée en passant sous les porches des immeubles. Le collège est relocalisé dans les locaux vides des Maristes le long de l’avenue permettant ainsi une nouvelle porosité entre la place de l’abbaye et les logements. Autour de ce nouveau parvis, gravitent une bibliothèque, un gymnase et une cantine solidaire. Ces trois équipements, essentiels pour l’éducation des enfants du quartier, sont aussi mis à disposition des habitants et associations pour que tout le monde puisse en bénéficier. De l’hyperconvivialité est rendue possible au niveau des cafés, des aires de pic-nic, des aires de jeux et des locaux associatifs, en partie basse autour de la noue, et en partie haute de façon plus urbaine entre les logements et le pôle artisanal.
Rayonnant sur la vie de quartier, ce pôle artisanal permet de faire le lien entre savoir-faire des artisans et les besoins et usages de la population. Le monde de l’artisanat est très diversifié et bénéfique socialement et pour environnement. Ces métiers ont en commun l’intelligence de la main dont nous aurons toujours besoin, alliant créativité, innovation et production collaborative. Ce pôle artisanal, traversé par la promenade urbaine, permet une redécouverte des métiers manuels dans la réhabilitation d’anciennes halles, comprenant des vastes ateliers partagés, des espaces de formations, des logements pour les artisans ainsi que de l’hébergement d’accueil pour les apprentis. On retrouve une véritable mixité programmatique dans une friche, où la proximité généreuse favorise le vivre ensemble, l’entraide et le partage de connaissance. Grâce à sa position privilégiée au bord du Furan, le pôle artisanal est mis en valeur depuis l’ile maraichère, où les berges ont été revalorisées, offrant un lien visuel fort entre les artisans et les promeneurs venus se détendre au bord de l’eau. La Rivière n’est donc plus une frontière ni une contrainte, elle est devenu lieu de rassemblement, mobilisant le potentiel imaginaire de l’eau et suscitant l’apparition de nouveaux usages en symbiose avec leur environnement.
La ville solidaire émerge ainsi d’un secteur jusqu’alors très résidentiel, et y impulse un nouveau souffle dans une proximité généreuse, faisant écho à la proximité vertueuse de la ville productive plus au sud.
L’exploitation agricole s’y développe en réinvestissant le patrimoine industriel sur l’axe majeur et une nouvelle place du marché anime le cœur de quartier. D’anciennes halles industrielles sont reconverties en coopérative agricole, halle de marché et foodcourt, permettant la distribution directe des produits cultivés et le lien avec les producteurs locaux des campagnes alentours. Les activités s’élargissent au-delà de la production agricole vers un écosystème résilient. De nouvelles façons d’habiter et de travailler se propagent au sein du parc. Ce dernier est structuré par des noues. Les écoulements des eaux de pluie y sont rendus visibles. Ce dispositif naturel permet alors la responsabilisation de nos actes et l’optimisation de nos ressources. La nature pénètre ainsi au cœur des ilots délimitant les espaces extérieurs, séparant les espaces publics des jardins privés.
La cohabitation, autrefois difficile, est rendu possible par différents dispositifs urbains et architecturaux. L’échelle du quartier devient celle du piéton et non plus celle de la voiture. Les bâtiments quant à eux profitent d’une double orientation. Les façades urbaines permettent l’accès aux commerces et activités et celles sur le parc, plus intimiste, sont réservées aux entrées des logements. Pour favoriser les rencontres et le vivre ensemble, la mixité se développe à une plus petite échelle au sein d’une trame moins dense autour des noues. Les accès aux logements et aux bureaux deviennent des lieux de rencontres et les terrasse mutualisé un lieu d’échange. Enfin, le télétravail et les espaces de coworking engendrent de nouvelles formes de sociabilité et de pratique collectives. Des locaux partagés foisonnent en cœur d’ilot afin de faire ensemble et de vivre ensemble. Cela donne lieu à de l’intelligence collective ainsi qu’à de nombreuses initiatives citoyennes, réduisant notre consommation et tendant la ville à une certaine résilience.
A partir d’un site industriel hostile délaissant son environnement naturels, je propose donc un nouveau mode d’habité et de vivre la ville en renouant le lien entre l’homme et la nature et les hommes entre eux. Nous retrouvons ainsi une ville productive, solidaire et résiliente, où la richesse de son territoire vient de sa diversité et où chacun à son rôle à jouer. Pour conclure, ce projet de fin d’étude m’a permis de questionner notre capacité à agir sur notre cadre de vie et notre place par rapport à l’environnement qui nous entoure et m’a conforté dans l’idée que l’architecte à un rôle important à jouer dans la construction du monde de demain.