Valentin Kobes
TRANSITION POSTNUCLEAIRE. L’ancienne centrale nucléaire de Fessenheim, territoire européen d’expérimentation écologique, politique et énergétique.
En février et juin 2020 étaient mis à l’arrêt les deux plus vieux réacteurs du parc nucléaire français, ceux de Fessenheim. Issu d’une volonté politique et de transition énergétique, le premier démantèlement intégral d’un site nucléaire en France sera mené par EDF selon un calendrier précis, et mènera d’ici 2040 à la démolition totale des infrastructures et à la restauration du site en 2041.
Cette déconstruction est le point de départ de la réflexion portée par ce projet. Factuellement, elle générera 405 000 tonnes de déchets, bouleversera le paysage socio-économique de la région et occasionnera un coût aujourd’hui incalculable. Symboliquement, elle démolira un marqueur politique, paysager, et identitaire, un monument dans la plaine rhénane, visible à plus de 50 kilomètres. Aujourd’hui épicentre et moteur de son territoire, la centrale nucléaire de Fessenheim s’est intégrée à sa géographie, et l’a marqué de son empreinte.
La démolition des infrastructures n’effacerait pas la trace que la centrale a imprimée dans les consciences, ayant façonné des relations franco-allemandes uniques, un repère visuel fort et la vie d’un village pendant toute la durée de son fonctionnement. Au contraire, penser l’avenir postnucléaire d’un tel site, et la reconversion des bâtiments qu’il accueille pourrait être moteur d’un renouveau territorial. Ce projet de fin d’études s’intéresse donc à l’empreinte future que peut laisser la centrale sur son territoire, en tant qu’actrice de la métamorphose écologique, politique et symbolique de ce dernier.
Suite à l’arrêt de la centrale, un plan de reconversion territoriale s’est développé autour du triangle Colmar-Freiburg-Mulhouse. Ce dernier vise à redéfinir l’identité de ce territoire binational, cherchant à le transformer en un lieu d’innovation énergétique. La recherche, la formation et l’éducation apparaissent dès lors comme condition sine qua non pour l’avenir de ce territoire aux ambitions européennes assumées. La centrale, propriété exclusive d’EDF jusqu’à sa démolition, en est exclue. Ce projet propose d’inclure les infrastructures existantes, une fois décontaminées, à cette reconversion, et de faire de la centrale nucléaire de Fessenheim non plus l’objet de la reconversion du territoire, mais son moteur.
Tout en s’inscrivant dans la temporalité du démantèlement, ce projet en dessine une alternative, rêvant, à l’horizon 2050, un territoire métamorphosé. Le projet propose une démarche, un processus évoluant au cours du temps, intégrant la nature et le vivant afin d’anticiper un aménagement local et décarboné. Un cheminement autre, où les infrastructures, reconverties plutôt que démolies, et le site, renaturé plutôt que restauré, continuent d’être protagonistes de la transformation d’un territoire qu’ils ont eux-mêmes façonné. Un laboratoire européen d’expérimentation et de médiation écologique, politique et énergétique à l’échelle du site, ouvert au public, guidant la transition postnucléaire de ce territoire. Une transformation symbolique, où ce monument dans la plaine rhénane, symbole d’une technique triomphante et contre nature, deviendrait signal d’une nouvelle dynamique territoriale et écologique.