Antoine Goupil
Sur les rives des lagunes - Gruissan, Aude
Émergeant entre la Méditerranée et les lagunes endémiques du littoral languedocien, Gruissan est une ville façonnée par les eaux. A 10km de Narbonne, cette ville représente à la perfection l’histoire et les problématiques de l’aménagement d’un littoral atypique.
Au cœur du littoral hébergeant le plus grand complexe lagunaire méditerranéen, ces villes amphibies ont été longtemps ignorées par les grands aménagements à cause des contraintes géologiques de cette côte mouvante ; puis ont finalement été transformées avec le développement des infrastructures lourdes et du béton, transformant le front de mer en une vingtaine d’année en une machine touristique redoutable visant à drainer les flux touristiques en direction de l’Espagne dans les années 1960.
La ville de Gruissan porte ainsi dans son aspect contemporain, les traces de cette histoire, le théâtre d’une rupture de la coévolution milieu et société. L’activité touristique, la dépendance au territoire arrière, l’artificialisation massive en espaces de stationnement le long du littoral, la détérioration de la qualité des sols et du ruissellement des eaux en amont et la pollution des mers en aval ; les activités humaines imposées à ce territoire sensible ont fini par le rendre extrêmement vulnérable. Le niveau de la mer pouvant atteindre une élévation de plus d’un mètre à l’horizon 2100 et l’intensité des évènements pluvieux tendant à se renforcer, les territoires lagunaires se retrouvent pris entre deux eaux face à des risques de submersions de plus en plus importants.
Bien que les dispositif d’urgence soient très efficace aujourd’hui en France, la question de l’anticipation et la protection des dommages humains est encore trop peu prise en compte dans la transformation de nos sociétés. Je propose, à travers le cas d’école de Gruissan d’envisager un re-questionnement de ces villes touristiques en repositionnant l’élément du paysage au cœur de la réflexion d’aménagement, à la fois comme enjeux de préservation et de revitalisation, et comme outil d’amélioration du cadre de vie des habitants face aux aléas de leur milieu de vie.
En plaçant les enjeux de la ville non plus uniquement sur sa façade mer mais surtout sur ses rives lagunaires, de nouvelles perspectives s’offrent à Gruissan. Ce territoire aujourd’hui considéré comme un arrière peut se voir activer par une réorganisation des nombreux espaces dédiés aux véhicules. En actionnant ce levier, le traitement des sols et du chemin de l’eau devient un élément central à la création d’un nouveau cadre de vie respectant son milieu et l’habitant.
Intégration territoriale, décroissance touristique, revalorisation des activités agricoles et halieutiques et préservation de l’identité habitante ; telles sont les composantes venant animer la nouvelles frange lagunaire de Gruissan. En proposant des actions ciblées sur ces éléments, ce projet initie une réflexion à plusieurs échelles afin d’imaginer la vie dans les villes du littoral languedocien où le milieu et les sociétés ne sont plus sources de pressions l’un pour l’autre mais se complètent et se respectent.