Isaline Van Craeynest
Recoudre, Réhabiter, se Réapproprier Cabanyal
Ce projet s’implante à Valence en Espagne dans le quartier de Cabanyal. Valence, avec environ 800 000 habitants, est la troisième plus grande ville d’Espagne et capitale de sa province. Le quartier littoral de Cabanyal, qui compte 19 200 habitants sur 1,35 km², est un lieu où le Valencien est encore couramment parlé.
Le tissu urbain et social de Cabanyal a toujours été façonné par les luttes qui l’ont souvent opposé au reste de la ville. Des luttes entre pêcheurs et armateurs, aux luttes ouvrières et anarchistes en passant par les affrontements lors de la guerre civile, Cabanyal a toujours été le théâtre de luttes sociales qui ont forgé son identité maritime et combative.
Cette mémoire collective de luttes est d’autant plus forte qu’elle a été marquée par un autre événement à partir des années 1990. Un plan de développement urbain prévoyait la destruction d’une grande partie du quartier (environ 1600 maisons) pour prolonger une avenue de 100 mètres de large de la ville à la plage. Au point culminant de cette histoire, on trouvait près d’une maison sur quatre inoccupée. Les habitants se sont mobilisés en créant des collectifs, des associations et des centres sociaux auto-gérés pour lutter contre ce plan en promouvant la culture et l’éducation dans le quartier. En 2015, avec l’aide des pouvoir politiques de gauche, le plan est abrogé.
Au fil des années, Cabanyal est devenu un symbole de la lutte contre la gentrification et la destruction du patrimoine culturel en Espagne. Malgré les pressions exercées pour démolir le quartier, de nombreux habitant continuent de se battre pour préserver l’identité de Cabanyal, protéger son histoire et sa mémoire.
Aujourd’hui, Cabanyal la gentrification prend toujours la forme de violence, mais cette fois-ci, plus insidieuse. La gentrification se traduit par la perte d’espace voire le remplacement des habitants de classe populaire avec l’arrivée des de catégories sociales plus favorisées. Les habitants voient donc souvent d’un mauvais œil les projets urbains dans leur quartier, craignant de perdre leur logement et leur place dans l’espace publique.
Je me suis alors demandé : Comment faire projet dans des territoires comme Cabanyal où projet urbain rime avec violence et expropriation ?
Couture urbaine et habitante à travers la revitalisation d’une friche entre le quartier et la mer, ce projet questionne les outils de l’urbaniste et de l’architecte dans la conservation des mémoires populaires. Il propose de conserver un immeuble que la ville veut détruire, symbole des luttes anti-gentrification de Cabanyal et de montrer que l’on peut en être le voisin. Être un voisin, c’est être intégré au système urbain et paysager, c’est pouvoir s’approprier son logement et les espaces publiques avoisinants et c’est surtout pour les cabanyaleros, s’impliquer dans la vie collective et associative du quartier.
Ce projet plante la première graine de la réappropriation du quartier par les habitants qui germera et fera fleurir les suivantes. Alors, une nouvelle page de la généalogie militante et habitante de Cabanyal s’écrira.