Chloé Chouabe
REPOUSSER LES MURS - Du quartier carcéral à un quartier du Haut-du-Lièvre
La prison et l’enfermement en tant que peine apparaît au siècle des Lumières. Elle s’oppose alors aux supplices publics qui s’apparentaient à une démonstration violente du pouvoir royal. Depuis lors, différents modèles de prisons se succèdent, du modèle pennsylvanien jusqu’au prisons villes d’aujourd’hui. Ces dernières ne font en fait qu’imiter la ville sans parvenir à créer de véritables espaces communs et en ne proposant que des espaces d’isolement et des parcours grillagés. La surpopulation carcérale et le taux de récidives de 40% en France montre bien l’échec de la prison à ses tâches premières : racheter le mal fait à la société et empêcher le crime de se reproduire. Cependant, des expérimentations existent aujourd’hui afin de penser à de nouvelles formes d’enfermement, réellement tournées vers la réinsertion, comme les prisons de Halden en Norvège ou de Mauzac en France.
Dans la continuité de ces initiatives, ce projet est l’occasion d’expérimenter sur les différentes phases de mutations des prisons-villes. Plutôt que de singer la ville, il pourrait réellement lui appartenir, avec ses synergies et ses espaces publics partagés. En amenant les idées de communauté, d’autogestion, de responsabilisation et d’ouverture, la prison pourrait se transformer et un nouveau modèle de peine pourrait émerger.
Ce projet s’intéresse en particulier à la mutation de la prison de Nancy Maxéville. Celle-ci est proche du tissu urbain tout en possédant des espaces libres sur son pourtour. Elle présente un plan typique des prisons construites dans les années 2000 et accueille 243 agent.e.s et 777 détenu.e.s hébergé.e.s sur place, hommes et femmes.
Pour que la prison ne fonctionne plus seulement comme un microcosme fermé, il faut s’intéresser à son quartier d’accueil : le quartier du Haut du Lièvre, sur les hauteurs de Nancy. Il est aujourd’hui isolé de la ville et accueille un centre d’hébergement pour sans-abris, un campement de gens du voyage, et sans surprise, le centre pénitentiaire. Cette position en lisière permet cependant une pluralité territoriale, entre la ville et sa périphérie forestière. L’ancrage dans ce territoire est en pleine mue puisque le quartier est en train d’être redessiné par l’agence d’Alexandre Chemetoff. Ce dernier compose avec ces isolats de ville déjà présents et crée une unité de quartier par le paysage forestier. Dans ce collage urbain, la prison est laissée à l’écart par la création d’un fossé et une ceinture d’arbre.
Ainsi, la première étape de transformation proposé par ce projet de fin d’étude consiste en la création d’une prison ouverte à l’intérieur du mur d’enceinte. La zone neutre devient alors accessible et les grillages des cours de promenade n’ont plus lieu d’être. Une place se dessine au cœur de la prison, devant le bâtiment des services communs. Des cheminements reprenant les lignes fortes de l’implantation du bâti existant partent de cette place pour rejoindre les bâtiments d’habitation. Dans leurs prolongements, l’emprise de la prison est agrandie afin de donner plus d’espaces extérieurs aux détenu.e.s et aux surveillant.e.s. Le mur d’enceinte est repoussé et transformé. On assiste à une translation des limites.
Les alentours de la prison sont ensuite investis et les limites dilatées. Des seuils, espaces intermédiaires et hybrides entre prison et ville sont créés. Ils possèdent chacun des programmes spécifiques, en lien avec un élément du quartier ce qui permet leur accroche urbaine : un espace familial et socio-culturel, un espace agricole et un espace forestier. Certains s’accrochent à la ville par des pièces paysagères. Des bâtiments d’équipements qui complètent ceux du quartier sont placés à l’interface entre seuils et ville. Il s’agit des nœuds du système qui font également limites. Ils sont constituants de la nouvelle enceinte de la prison, qui se dilate dans ces lieux d’échanges et de transactions entre ville et prison.
Ce projet cherche à repousser les murs de la prison et encourage aussi la transition paysagère et urbaine du quartier du Haut du Lièvre.