Jean Baptiste Mathey
RE.CONSTRUIRE LE CAMAS
Deuxième ville de France et plus gros bassins d’emploi de la région, Marseille est très diverse en son sein et marquée par d’importants contrastes. Son centre-ville, et notamment le quartier du Camas, sont encore caractérisés par le manque d’espaces de fraîcheur, et de logements, par la présence d’une population en situation précaire, et par un parc de logement dégradé. En 2023, une très violente explosion provoque l’effondrement du 15 et 17, rue de Tivoli. 8 personnes perdent la vie et 42 bâtiments voisins, soit 200 personnes, sont évacués. Si l’effondrement est davantage lié à une fuite de gaz qu’à la vétusté du bâti, il marque à nouveau brutalement la ville, 5 ans après l’effondrement rue d’Aubagne, et laisse un trou béant dans le tissu urbain marseillais. Dans le quartier du Camas, au centre de nombreux débats entre habitants, urbanistes et municipalité, existe donc l’opportunité de reconstruire le tissu marseillais autour de nouveaux espaces de fraicheurs, d’équipements de proximité et de logement social, en expérimentant cette mutation sur 4 échelles complémentaires : le quartier, l’ilot, le bâtiment et le logement.
A l’échelle du quartier, trois axes de projet sont développés :
- la pacification des voiries et le dessin d’un niveau fonctionnement viaire
- le renforcement de la trame verte
- la mutation des sols vers davantage de porosité et d’infiltration
A l’échelle de l’ilot Tivoli, touché par l’effondrement, le projet propose :
- d’introduire la mutualisation et le partage des espaces publics (deux nouvelles places sont pensées au niveau des dents creuses qui ne sont pas ou peu rebâties) ou le partage d’espace communs (jardin, prolongement extérieur, noyau de circulation, locaux de stockage)
- repenser le bâti au cœur d’ilot comme une rotule entre ces espaces, en imaginant un café, inscrit dans la topographie du site
- garantir le retournement de l’îlot en reportant l’accès aux logements depuis le cœur d’îlot, et développant des circulations verticales en extensions côté cour
A l’échelle du bâtiment, la proposition s’attache à repenser la densité de l’îlot et de ses franges bâties et propose la réhabilitation de certains bâtis hors d’échelle, en imaginant des extensions sur deux plans : horizontales et verticales. Au nombre de trois, ces extensions en bois contrastent en façade, et marque la trace de ce drame et la résilience de l’îlot. La première accueille des locaux commerciaux pour les artisans et des logements dans les étages. La deuxième, un centre social et de l’hébergement associé. La troisième, un centre périscolaire.
A l’échelle du logement, le report des cages d’escalier côtés cour permet de récupérer la surface de l’escalier pour la transformer en surface habitable. Cela permet de réinterpréter les qualités originelles des plans de logements du tissus existant, le trois fenêtre marseillais, en proposant des logements aux typologies variés, à nouveaux traversants, bioclimatiques et flexibles. On retrouve :
- du logement familial T3, rendu évolutif au moyen de parois amovibles
- du coliving en duplex, dans les logements du rez-de-chaussée, à l’origine mono orienté, à destination des étudiants
- du coliving sur un même étage, dans le bâti plus large ou en mutualisant deux bâtiments à niveaux, destinés aux jeunes actifs
- du logement intergénérationnel
Chaque habitant peut ainsi profiter depuis la coursive de la vue sur un îlot transformé, où la fonction rafraîchissante retrouvée et l’introduction de l’échelle du commun permet une amélioration des qualités d’usage de l’ensemble. Cette mutation s’appuie sur des interventions contextualisées, à la juste échelle de l’îlot. Le projet se veut respectueux des habitants passés, de leur mémoire, de leur manière d’habiter. Il se veut aussi comme un soin, aux habitants actuels de l’ilot, encore fragilisé. Enfin, il propose un futur heureux et résilient pour faire face le plus sereinement possible à l’avenir du Camas.