Lucas STRAUMANN
Mulhouse, ville en transition : Requalification d’une friche de DMC pour former les ouvriers et artisans de demain
Le site de projet s’inscrit dans le tissu de Mulhouse, ville dont le riche passé industriel a laissé un héritage de friches offrant de nouvelles perspectives de reconversion. À la différence du quartier de la Fonderie, déjà intégré au centre-ville, l’emprise de DMC se situe en limite urbaine, entre l’ancien village de Dornach et sa cité ouvrière, actuel quartier Briand. Son immense usine textile, autrefois étendue sur 35 hectares, a vu son activité réduite et concentrée le long de la rue de Pfastatt. La première phase de transformation amorcée par l’agglomération demeure encore fragmentée, marquée par une forme d’insularité. Mon projet s’inscrit dans une perspective d’ouverture et de continuité urbaine, en reliant DMC aux polarités voisines : l’avenue Briand avec ses commerces, la rue de Strasbourg menant au marché couvert, mais aussi l’axe formé par les équipements de formation du collège Villon au nord jusqu’au campus de la Fonderie.
La parcelle retenue, vaste de 2,6 hectares, se distingue par la présence d’une ancienne halle de stockage du coton et des traces bâties issues d’un incendie. L’enjeu réside dans la transformation de ce site en un lieu perméable et traversant, capable de reconnecter DMC aux quartiers environnants. Le projet s’appuie sur la valorisation du patrimoine existant et sur une stratégie paysagère exploitant les structures héritées – murs d’enceinte, dalle, alignements – pour créer un espace de respiration. L’intervention redéfinit ainsi les continuités paysagères et urbaines, tout en intégrant un grand parc perméable qui devient un poumon vert, support de nouvelles appropriations collectives.
Au cœur du projet, l’implantation d’un Centre de Formation des Apprentis (CFA) dédié aux métiers du bâtiment répond à un besoin identifié à l’échelle mulhousienne et régionale. La ville ne dispose en effet d’aucun CFA du BTP, alors même que sa population jeune est en forte demande de formations manuelles. L’établissement devient une opportunité de relier héritage industriel et enjeux contemporains, en offrant un chantier-école ouvert sur la réhabilitation et l’écoconstruction. Les formations proposées embrassent aussi bien les savoir-faire traditionnels – maçonnerie, couverture, charpente – que les techniques liées aux matériaux vertueux comme le bois, les isolants biosourcés ou la terre crue.
Le projet architectural reprend la rigueur orthogonale caractéristique du monde industriel. Une rue intérieure, colonne vertébrale de l’ensemble, distribue ateliers et espaces pédagogiques. Ces ateliers, organisés en double ou simple hauteur selon les besoins, sont conçus pour maintenir un lien permanent entre théorie et pratique, grâce à des salles de cours en mezzanine surplombant les espaces de travail. La structure constructive du bâtiment met en scène son propre langage : poteaux de terre crue, poutres bois et remplissages modulables composent une écriture lisible, destinée à révéler aux apprentis la matérialité et la logique constructive du lieu. Ainsi, l’édifice associe inspiration industrielle et durabilité, créant une architecture pédagogique où la structure devient support d’enseignement et terrain d’expérimentation.
La halle de stockage, élément patrimonial majeur, se transforme en pivot du site. L’intervention vise une reconversion douce, respectueuse de sa spatialité initiale. Les deux plateaux libres séparés par un refend central accueillent des usages différenciés : au sud, un café inséré dans un volume technique et protégé par une enveloppe textile isolante issue des productions de DMC ; au nord, un espace ouvert, abrité mais perméable, dédié à des pratiques sportives ou collectives. La réhabilitation se limite à des gestes ciblés : réparation de la toiture, évidement d’arches pour créer des percées visuelles et des accès, ajout d’escaliers et de rampes afin de compenser la différence de niveau avec le terrain naturel. Ce lieu devient une nouvelle porte d’entrée vers DMC, favorisant l’appropriation habitante et la continuité des parcours urbains.
La mise en œuvre du projet repose sur un phasage progressif. La première étape active le site par l’ouverture de la halle et la création des axes publics, préparant ainsi l’intégration du projet dans le quotidien des habitants. Viennent ensuite la maison du projet et le centre d’interprétation, outils de sensibilisation et de médiation. Le CFA, construit en parallèle, amorce une transformation visible et pédagogique, renforçant le lien avec le quartier. L’ouverture du centre de formation constitue l’avant-dernière phase, avant une extension éventuelle vers le nord pour accueillir de nouveaux métiers. Par cette stratégie, le projet articule mémoire et innovation, créant un espace à la fois ancré dans son héritage et résolument tourné vers l’avenir.












