Colin BERTIN
La mémoire de la guerre par le paysage
Ce projet est un mémorial du débarquement. Il s’agit de construire une œuvre de mémoire, qui permet de comprendre mais aussi de ressentir les évènements. Le projet souhaite dépasser la pensée collective de surface,
et rentrer dans la couche du territoire qui fait voir les traces du passé et explicite leurs liens au paysage. Il se concentre sur les sensations de l’usager, et c’est l’usager qui, en pratiquant, ressentira et construira l’œuvre de
mémoire.
Le projet se compose de trois éléments : le sentier, le mémorial, le parc ; représentant symboliquement la terre, la guerre, la mer. Le sentier longe la falaise et donne à voir l’horizon, l’intérieur des terres, et les casemates disséminées dans le paysage, rongées par l’érosion. Des éléments ponctuels jouent avec la topographie, la creusent pour y faire rentrer le corps de l’usager, faire ressentir le paysage. Le mémorial est constitué de trois
volumes en pierre et d’un mur, presque des sculptures, qui mettent à mal l’usager. Il cherche à inquiéter l’échelle humaine, à disloquer le lieu pour créer une atmosphère et des sensations propres. Chaque volume retranscrit une émotion et un aspect de la guerre spécifique, tout en cadrant des vues sur la mer. Le parc fait cohabiter le très grave et le journalier, à travers une installation métallique sur l’estran. Les habitants se l’approprient et ainsi, il incarne la vie quotidienne qui continue. Ces trois interventions offrent trois façons différentes de voir le paysage, de s’y déplacer, mais aussi de s’y inclure individuellement et de l’interpréter.
La ville d’Arromanches-les-Bains, une station balnéaire sur le littoral du Calvados, entourée de falaises de calcaire sombre, accueille ce projet. C’est sa baie qui a été choisie par les alliés lors de la Seconde Guerre mondiale comme lieu de construction du port Mulberry, un édifice monumental flottant en béton et en acier, qui servira à débarquer le matériel nécessaire à la Bataille de Normandie. Aujourd’hui, les brise-lames en béton encerclent la ville et forment comme un deuxième horizon, vers lequel pointent les meurtrières des casemates du Mur de l’Atlantique. Abandonné, ce patrimoine
souffre de l’érosion et exprime l’ampleur des évènements. Le choix d’y implanter, peu après la fin de la guerre, le premier musée historique, montre la volonté d’utiliser Arromanches comme lieu important de la mémoire
de la guerre, et cette implantation a, historiquement, marqué le début de la construction et de la consommation massive d’œuvres de mémoire. Mais ces œuvres ne sont sans doute plus réellement adaptées à la mémoire du XXIe siècle, et n’incluent pas le paysage, pourtant un élément clef des combats.
Ce projet est à l’échelle du paysage, il s’étend sur huit kilomètres de côtes et son ampleur le rend visible de loin, mais les interventions sont à échelle humaine : elles ne jouent pas de la hauteur, sont ponctuelles, accompagnent l’usager et lui proposent de s’immerger à son rythme dans le paysage. Cette œuvre de mémoire se veut sobre et sensible, à l’image des concepts contemporains d’architecture du souvenir.
Le paysage est construit par le regard humain, le projet cherchera à exprimer la mémoire du lieu par le biais de ce paysage, dans un territoire aujourd’hui encore anéanti par la guerre.





