Lisa Combes

Face à la crise climatique et sociale, une stratégie de ménagement urbain pour Lavelanet

La crise climatique et sociale actuelle est au cœur de nos préoccupations. Ses effets, pour la plupart irréversibles, sont multiples et conduisent notamment à la raréfaction des ressources en eau saine et en nourriture, à l’accroissement des déplacements forcés de populations et à l’altération des écosystèmes naturels. Elle implique une modification profonde des paradigmes urbains et architecturaux, mettant en avant la nécessité de repenser notre rapport aux territoires et à l’équilibre démographique territorial, pour rompre avec la sururbanisation massive et tendre vers un réatterissement dans les petites et moyennes villes. C’est par ce biais-ci que nous avons abordé, à deux, ce Projet de Fin d’Etudes.
Pour amorcer une telle transition, nous avons identifié deux leviers principaux, que sont la résilience alimentaire et l’hospitalité, et avons décidé d’ancrer notre projet à Lavelanet ; il s’agit d’une petite ville d’environ 6000 habitant·e·s située en Ariège, aux pieds des Pyrénées. Ce département, connu pour son histoire d’hospitalité depuis l’époque cathare et son passé agricole, bénéficie d’une géographie spatiale et sociale et de dynamiques associatives et institutionnelles propices au développement de pratiques agricoles vertueuses et locales, ainsi qu’à l’accueil de populations, principalement exilées, mais aussi néorurales. Cependant, Lavelanet ne s’y intègre pas pleinement. La ville a prospéré grâce à son industrie textile dès la fin du XVIIè siècle, façonnant son expansion autour de l’axe majeur qu’est sa rivière, le Touyre. Néanmoins, la fin de la production locale induite par les Trente Glorieuses, couplée au modernisme des années 1960, ont généré une déprise démographique importante, un développement urbain autour du tout-voiture et un délaissement de la rivière par les habitant·e·s.

Pour nous saisir de ce contexte, nous nous sommes basées sur une stratégie de ménagement urbain. Ce concept n’est pas l’opposé de l’aménagement urbain, mais une complémentarité qui repose sur trois grandes idées : « faire avec » les ressources humaines et matérielles présentes, « prendre soin » des êtres vivants et écosystèmes et « phaser » les interventions. De plus, nous avons souhaité nous inscrire dans les dynamiques institutionnelles existantes, portées par la Mairie et la Communauté de Communes du Pays d’Olmes, tout en redonnant une place aux autres organismes et associations locaux·ales. Ainsi, à l’échelle urbaine, notre stratégie s’organise autour d’une trame bleue, le Touyre, et d’une nouvelle trame verte, reliant trois pôles principaux : un pôle nord et un pôle sud, qui viennent étendre et renforcer un pôle d’action institutionnel, en développant les leviers de projet identifiés. D’une part, la résilience alimentaire passe par l’émergence de pratiques d’agroécologie paysanne, permettant une relocalisation de la production, de la distribution et de la transmission de pratiques et savoir-faire. D’autre part, l’hospitalité implique une pérennisation progressive de l’accueil, pour rompre avec la dimension d’urgence des dispositifs actuels, et l’inclusion via la programmation, la rencontre, la collaboration et l’agriculture.

Nous avons principalement formalisé ces leviers dans les zones nord et sud : la zone nord est en lien direct avec la ville historique et l’actuel centre-ville, où l’omniprésence de la voiture a façonné l’espace public et a peu à peu exclu les habitant·e·s, tandis que la zone sud est un vestige de l’époque industrielle de Lavelanet, disposant aujourd’hui de patrimoines usiniers, sportifs, scolaires et naturels importants, mais peu qualitatifs ; elle est de fait fréquentée pour les usages qu’elle propose, mais n’incite pas la population à y rester pour le plaisir. Ces deux zones décrivent un Touyre délaissé et en grande partie contraint, voire invisibilisé par des interventions humaines, et présentent des opportunités de projet nombreuses, à travers des bâtiments à réinvestir, des espaces urbains à requalifier et la présence d’acteur·rice·s et activités divers·es. En ce qui concerne la zone nord, nous aspirons à une transition vers un quartier démonstratif, accueillant et tourné vers l’agriculture, s’appuyant sur des programmes clés : la réhabilitation d’une ancienne maison industrielle patrimoniale en une Maison des Projets, la transformation d’un parc existant et d’une vaste friche adjacente en un parc agricole et récréatif et le réinvestissement d’une ancienne usine textile avec des programmes mixtes entre hébergements, lieux d’apprentissage du français et de rencontre, serre agricole et espace associatif. En parallèle, dans la zone sud, nous souhaitons renforcer le rapport à la nature et à l’eau et développer l’accueil, via des interventions spécifiques : la transformation d’une friche industrielle en une Maison de la Nature, couplée à des logements et espaces associatifs, la réactivation de l’ancien centre nautique en bassins de phytoépuration, la création d’une place centrale et la mise en place d’un programme de permaculture, associé aux deux écoles présentes sur place. Enfin, nous proposons de restaurer le Touyre et son lit majeur, via la renaturation de ses berges et le retour à une morphologie plus naturelle, pour favoriser le développement de la biodiversité et lui redonner une importance symbolique.

Faced with the climate and social crisis, an urban planning of moderation strategy for Lavelanet

The current climate and social crisis is at the heart of our concerns. Its effects, most of which are irreversible, are manifold and are leading, in particular, to a growing scarcity of clean water and food resources, an increase in forced population movements and a deterioration in natural ecosystems. It implies a profound change in urban and architectural paradigms, highlighting the need to rethink our relationship with territories and territorial demographic balance, to break with massive over-urbanisation and move towards a resettlement in small and medium-sized towns. This is how the two of us approached our final project.
To kick-start such a transition, we have identified two main levers - food resilience and hospitality - and have decided to base our project in Lavelanet, a small town of around 6,000 inhabitants in the Ariège region at the foot of the Pyrenees. This department, known for its history of hospitality since the time of the Cathars and its agricultural past, benefits from a spatial and social geography and associative and institutional dynamics conducive to the development of virtuous and local agricultural practices, as well as welcoming populations, mainly exiles, but also neo-rural. However, Lavelanet is not fully integrated. The town prospered thanks to its textile industry from the end of the 17th century, shaping its expansion around the major axis that is its river, the Touyre. However, the end of local production during the ‘Trente Glorieuses’, coupled with the modernism of the 1960s, led to significant demographic decline, urban development centred around the car and a neglect of the river by local residents.

To grasp this context, we have based ourselves on an urban planning of moderation strategy. This concept is not the opposite of urban planning, but rather a complementary approach based on three key ideas : ‘working with’ existing human and material resources, ‘taking care’ of living beings and ecosystems, and ‘phasing’ interventions. In addition, we wanted to fit in with the existing institutional dynamics, led by the Town Hall and the Pays d’Olmes Community of Communes, while at the same time giving a place to other local associations. So, on an urban scale, our strategy is organised around a blue network, the Touyre, and a new green network, linking three main centres : a northern area and a southern area, which extend and strengthen an institutional area of action, by developing the project levers identified. On the one hand, food resilience requires the emergence of farmer-based agroecology practices, enabling the relocation of production, distribution and the transmission of practices and know-how. On the other hand, hospitality implies a progressive perpetuation of the reception, to break with the emergency dimension of the current arrangements, and inclusion through programming, encounters, collaboration and agriculture.

We have mainly formalised these levers in the northern and southern zones : the northern zone is directly linked to the historic town and the present-day town centre, where the omnipresence of the car has shaped public space and gradually excluded residents, while the southern zone is a vestige of Lavelanet’s industrial era, and now boasts a significant, but low-quality, industrial, sports, educational and natural heritage. It is used for the purposes it offers, but does not encourage people to stay for pleasure. These two areas describe a neglected Touyre that is largely constrained, or even invisible, by human intervention, and present numerous opportunities for projects, through buildings to be reinvested, urban spaces to be redeveloped and the presence of various players and activities. In the northern area, we are aiming for a transition to a demonstrative, welcoming and agriculturally-oriented district, based on key programmes : the renovation of a former industrial heritage building into a Maison des Projets, the transformation of an existing park and a vast adjacent wasteland into an agricultural and recreational park, and the reinvestment of a former textile factory with mixed programmes including accommodation, places for learning French and meeting places, an agricultural greenhouse and a community space. At the same time, in the southern zone, we want to strengthen the relationship with nature and water, and develop hospitality, through specific interventions : the transformation of a brownfield site into a Maison de la Nature, coupled with housing and community spaces, the reactivation of the former nautical centre into phytodepuration basins, the creation of a central square and the implementation of a permaculture programme, in association with the two schools on site. Finally, we are proposing to restore the Touyre and its major riverbed, by renaturating its banks and returning it to a more natural morphology, to encourage the development of biodiversity and give it back its symbolic importance.

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