Raphaël Petit

En (re)venant sur l’île - Une réinterprétation de l’insularité oléronaise pour projeter son habitation à l’horizon du siècle à venir.

L’île d’Oléron est la plus grande et la plus méridionale des îles du littoral atlantique français. Située au large des estuaires de la Charente et de la Seudre, elle jouxte les îles de Ré et d’Aix avec lesquelles elle forme l’archipel charentais. L’île mesure, suivant un axe nord-sud, une trentaine de kilomètres tandis que sa largeur n’en excède pas douze. Le territoire oléronais s’est formé par l’accrétion d’argiles et de sables sur une arête de calcaire blanc ; il fut, en cela, sujet à d’intenses fluctuations morphologiques. C’est le constat de ces fluctuations et, plus généralement, de la diversité des rythmes - d’une vie, d’une saison, d’une marée ou encore d’une vague - qui s’expriment en l’île, qui fonde, dans ce projet, la construction d’un gradient qui lie l’immuable au fluctuant. Les différents paysages, leurs temporalités propres et leurs pratiques historiques s’inscrivent sur ce gradient, dont l’expression à une échelle humaine, sensible, est ici identifiée à l’insularité même.

La fin de l’insularité, c’est précisément ce qui fut célébré en 1966 lors de la construction du pont d’Oléron. Sa réalisation visait la mise en tourisme balnéaire du territoire, qui engendra nombre de conséquences participant toutes de la négation des temporalités s’exprimant localement : étalement urbain sur les terres fertiles, abandon en friches de celles-ci, hégémonie de la voiture individuelle, saisonnalité radicale de la fréquentation touristique... De fait, la fin de l’insularité correspond ici à l’expression d’une multitude de dérèglements qui vont affecter, durant le siècle à venir, un territoire relativement plat et déjà sujet à l’érosion, à l’élévation du niveau global des océans et aux submersions marines. Ce sont donc des logements, pourtant déjà rares, des infrastructures et des terres fertiles qui sont ici menacés d’être noyés, sappées ou stérilisées.

Face à ces constats, j’ai voulu mobiliser les outils de l’aménagement du territoire et de l’architecture pour proposer de reconstituer l’insularité oléronaise et, par elle, de projeter une habitation de l’île d’Oléron qui soit non seulement possible mais également harmonieuse et résiliente face aux enjeux existenciels qui la menacent pourtant.

Dans ce cadre, le gradient de l’immuable au fluctuant, initialement identifié à l’insularité elle-même, est mobilisé partout, comme outil de projet territorial puis architectural. Des scénarios croisant le destin du territoire, de sa population et du parc bâti sont également construits et réunis sous la forme de perspectives géosociales. Ces dernières fondent une stratégie territoriale qui envisage, d’abord, l’abandon progressif du pont et, par ce geste, un nouveau schéma mobilitaire pour l’île. Cette stratégie se décline par la suite en trois grandes orientations - reculer et (se) reloger, déconstructire et (re)naturer, subsiter et (re)produire -qui, réunies et phasées dans la méthode ici conçue du "contrat solidaire de relogement", visent à envisager le recul stratégique des habitations menacées, le traitement paysager des zones submersibles et la mutation de l’économie locale.

C’est enfin l’archipélisation de l’île d’Oléron qui est enfin prévue à long terme, dans la stratégie territoriale mais aussi dans le traitement d’un cas-type qui s’intéresse ici à la plus méridionale des îles en devenir, occupée par la commune de Saint-Trojan-les-Bains. Les perspectives géosociales mobilisées ici conduisent à projeter la reconstruction de 180 logements mais aussi de la mairie, de la salle polyvalente et de la halle de marché. Un nouveau quartier et un nouveau centre de village sont ainsi proposés, au même titre qu’un nouvel embarcadère, installé dans le paysage submersible renaturé. Le gradient de l’immuable au fluctuant est alors remobilisé ici, pour qualifier les programmes, guider l’implentation et le dessin des volumes ou encore le choix des matériaux. Il aura servi, partout, d’outil enssentiel pour la remise en concordance des temporalités insulaires et des temporalités de sa pratique humaine.

Going back to the island - A reinterpretation of Oleron’s insularity to envision its inhabitation during the coming century.

Oléron Island is the largest and southernmost island along the French Atlantic coastline. Located at the mouths of the Charente and Seudre rivers, it neighbors the Ré and Aix island with which it forms the "charentais" archipelago. The island is thirty kilometers long, following a north-south axis, while its width does not exceed twelve kilometers. The territory was formed by the accretion of clays and sands onto a white limestone ridge ; causing it to go through intense shape changes. It is the very observation of those changes and, generally speaking, of the diverse rhythms - of a life, a season, a tide or a wave - which express in the island, which serves as a basis, in this project, for the construction of a gradient tying the immutable to the fluctuating. The different landscapes, their proper temporalities and their historical practices are inscribed within this gradient while its expression at a human and sensible scale is identified to insularity itself.

The insularity’s end is what was, precisely, celebrated during the year 1966 as the Oléron Island bridge was built. Its construction aimed to develop the local seaside tourism which led to many consequences, all contributing to the very negation of the diverse local temporalities : the urban sprawl on fertile lands, their conversion to wastelands, the individual car hegemony, the radical seasonality of touristic attendance... In fact, the insularity’s end corresponds here to multiple disturbances which will affect, during the coming century, a relatively flat and already at risk territory. As a result, already scarce housing, infrastructure and fertile land are in danger of being drowned, sapped or sterilized.

Faced with these facts, I wanted to mobilize the tools of spatial planning and architecture to propose the reconstitution of Oleron’s insularity and, through it, to project an inhabitation of the island of Oleron that is not only possible but also harmonious and resilient in the face of the existential challenges that threaten it.

Within this framework, the gradient from immutable to fluctuating, initially identified with insularity itself, is mobilized everywhere, as a territorial and then architectural project tool. Scenarios crossing the destiny of the territory, its population and the built environment are also constructed and brought together in the form of geosocial perspectives. These form the basis of a territorial strategy that envisions, firstly, the gradual abandonment of the bridge and, through this gesture, a new mobility scheme for the island. This strategy is then broken down into three main orientations - retreat and (re)housing, deconstruction and (re)naturalization, subsistence and (re)production - which, combined and phased in the method conceived here of the “solidary contract of rehousing”, aim to envisage the strategic retreat of threatened dwellings, the landscaping of submersible zones and the mutation of the local economy.

Finally, the archipelago of Oléron is planned for the long term, not only in the territorial strategy, but also in the treatment of a typical case study, which focuses here on the southernmost of the islands in the making, occupied by the commune of Saint-Trojan-les-Bains. The geosocial perspectives mobilized here lead to plans for the reconstruction of 180 housing units, as well as the town hall, multi-purpose hall and market hall. A new neighborhood and a new village center are thus proposed, as is a new pier, set in the renaturalized submersible landscape. The gradient from the immutable to the fluctuating is used again here, to qualify programs, guide the layout and design of volumes and the choice of materials. Everywhere, it has served as an essential tool for reconciling island temporalities with the temporalities of human practice.

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