Lise Derule
Du lieu à la matière, de la matière au lieu - Un Tiers-lieu de l’économie circulaire et du réemploi pour la ville de Metz
L’Earth Overshoot Day, ou Jour du dépassement global, représente la date théorique à laquelle l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an. En 1970, cette date correspondait au 30 Décembre. En 2021, ce jour d’alerte est en date du 29 Juillet.
Au cours des 50 dernières années, nous avons perdu la relation que nous entretenions avec la matière. Nous consommons aujourd’hui des produits issus d’une transformation matérielle, perdant ainsi toute conscience de la valeur de ce qui constitue le monde qui nous entoure. Cette rupture d’équilibre entre l’Homme et la matière se traduit d’un côté par une raréfaction des matières premières offertes par la Terre, et de l’autre par une accumulation de déchets.
L’industrie de la construction est aujourd’hui la principale utilisatrice de matière première dans le monde et l’une des plus polluantes : chaque année, ce sont 46 millions de tonnes de déchets qui sont produits en France, soit les deux tiers des déchets du pays. En tant qu’acteur du domaine de la construction,l’architecte a son rôle à jouer pour initier un changement.
Aujourd’hui, nous devons changer notre manière de construire et nos paradigmes liés à la fabrique de la ville. Il s’agit de retrouver une relation avec la matière et nos territoires. Le réemploi des matériaux, pratique ancestrale de l’architecture, apparaît aujourd’hui sous un jour nouveau, apportant une réponse aux défis majeurs auxquels nous faisons face.
« Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme »
(Citation apocryphe d’Antoine Lavoisier (1743-1794))
Et si le réemploi nous donnait l’opportunité de transformer l’acte de bâtir, nos architectures, nos villes ?
Situé dans le quartier gare de la ville de Metz, territoire en mutation, le projet propose la réhabilitation d’une friche industrielle ainsi que la restructuration de son îlot attenant en un tiers-lieu de l’économie circulaire et du réemploi. Vu comme une nouvelle machine de la ville, ce tiers-lieu développe dans son
écriture architecturale et dans sa fonction un nouveau rapport à la matière, reconnectant ainsi les individus à leur territoire tout en créant un organe du métabolisme de la matière.
La stratégie de développement et de conception du projet propose de reconsidérer trois éléments fondamentaux composant le monde d’aujourd’hui : la matière, le vivant et l’individu. La démarche de
conception, fondée sur l’utilisation des ressources du territoire messin, permet de démontrer que nos choix de matières peuvent faire émerger de nouvelles écritures architecturales et une nouvelle considération du territoire urbain. Il ne s’agit plus de produire pour construire mais de s’approprier la
matière qu’il nous offre, susceptible de donner vie à nos bâtiments. Aujourd’hui, le réemploi doit être en premier lieu celui de nos architectures et des matériaux qui les composent. Les territoires urbains
deviennent ainsi les mines d’aujourd’hui et de demain.
La transformation et la réhabilitation de la friche devient alors un prétexte pour recréer dans cette portion de ville un véritable écosystème capable de s’ancrer dans des réalités urbaines et sociales d’un monde qui se construit désormais sur lui-même.